Handicap au travail : un foodtruck comme outil d’inclusion

Handicap au travail : un foodtruck comme outil d’inclusion

Si changer le regard sur le handicap reste essentiel, il ne peut se suffire à lui-même. L’inclusion des personnes en situation de handicap passe aussi – et surtout – par des initiatives concrètes, structurantes, sur les lieux de travail. C’est le pari relevé par l’AgaPei et l’APAJH 81 accompagnées par Sodexo, à travers une expérimentation inédite : un foodtruck itinérant, opéré en grande partie par des travailleurs en situation de handicap.

Depuis mai 2025, un foodtruck pas comme les autres sillonne les établissements médico-sociaux de l’Agapei et de l’APAJH 81, en Occitanie. L’idée ? Proposer aux convives des plats et des boissons, mais surtout offrir aux travailleurs en situation de handicap une expérience professionnelle enrichissante, visible et valorisante.
Ce projet, intégré à une prestation de restauration assurée par Papilles & Partage, a été conçu en collaboration avec Sogeres, partenaire historique des deux associations. Il va bien au-delà du cahier des charges initial dans lequel un rôle de formation était demandé.

« L’idée du Foodtruck que nous avons proposée nous a semblé alors être un formidable moyen d’animer les repas, d’amener la cuisine à la rencontre des convives et de proposer une façon innovante d’aller plus loin dans l’accompagnement des travailleurs en situation de handicap, en leur permettant d’acquérir de nouvelles compétences et d’évoluer vers le milieu ordinaire ».

Nicolas Gaden, Directeur de Papilles & Partage.

Un outil de formation et de valorisation

Concrètement, 28 travailleurs en situation de handicap (16 en Haute-Garonne, 12 dans le Tarn) participent à cette aventure. Tous ne montent pas à bord du foodtruck : il faut un certain degré d’autonomie, et la participation repose sur le volontariat. Ils sont accompagnés d’un formateur dédié, salarié de Sogeres. Son rôle : former en amont, puis encadrer les tournées en foodtruck. Le planning hebdomadaire est bien rôdé : préparation le lundi, service itinérant du mardi au jeudi, nettoyage et retour le vendredi. À chaque sortie, une à deux personnes en situation de handicap sont mobilisées, épaulées par le formateur et, selon les cas, par un moniteur ou un membre de l’équipe client.

« Ils peuvent ainsi sortir de la cuisine, avoir un contact direct avec les convives et recevoir directement des retours positifs. C’est très valorisant », témoigne Nicolas Gaden.

Une aventure humaine et professionnelle

Une aventure humaine et professionnelle

Pour Florence Ferrandi, directrice générale de l’APAJH 81, ce projet coche toutes les cases de ce que devrait être une politique d’inclusion : « Le problème du handicap, c’est l’invisibilité. Là, avec le foodtruck, nos travailleurs sont au contact du public, ils génèrent des échanges. On a tout de suite compris que c’était l’outil qu’il nous fallait. »

Plusieurs travailleurs ont déjà gagné en autonomie au point de pouvoir sortir sans moniteur, uniquement accompagnés du formateur. C’est le cas de trois d’entre eux à l’APAJH 81. « On voit des personnes prendre confiance, s’encourager entre elles, se projeter dans le monde du travail ordinaire malgré les appréhensions », ajoute Florence Ferrandi.

Vers une ouverture au grand public ?

Vers une ouverture au grand public ?

Le foodtruck est actuellement partagé entre les deux associations (trois mois chacun) et fonctionne six mois par an. D’ores et déjà, 3 000 convives ont bénéficié de l’expérience, avec entre 35 et 120 personnes servies par prestation. Guirlandes, musique, repas partagés à l’extérieur… Tout est pensé pour créer un moment festif et inclusif. Mais les ambitions vont plus loin. « Aujourd’hui, on intervient dans le secteur médico-social. Demain, pourquoi ne pas participer à des évènements grand public, des festivals, des concerts ? Le foodtruck est un formidable outil d’inclusion », affirme Florence Ferrandi.

Armande Roques, présidente de l’Agapei, confirme : « Tous ont une impression de liberté avec ce foodtruck : pour les convives, de pouvoir aller chercher leur repas comme les autres, et pour les travailleurs, de faire de la restauration comme les autres. A chaque fois, ils me disent combien ils sont enchantés d’y participer ! »

Un modèle à essaimer ?

Le projet, reconduit pour 4 ans, inspire déjà. Il est intégré dans d’autres appels d’offres en cours. La formation, l’accompagnement sur-mesure, la montée en compétences et surtout la possibilité de sortir du cadre protégé de l’ESAT pour s’essayer au monde ordinaire : tout cela en fait un modèle reproductible. Il illustre également un principe fondamental, rappelé par la juriste Marie Mercat-Bruns* : l’inclusion ne peut se limiter à « changer les regards ». Elle passe aussi par des actes concrets, des environnements adaptés, et des engagements clairs des employeurs.

Un collectif au service d’un objectif commun

Au cœur de ce projet, une conviction forte : le handicap n’est pas une affaire individuelle, mais une question de société. L’accompagnement ne doit pas uniquement se focaliser sur les personnes en situation de handicap, mais aussi – et surtout – sur l’environnement, les pratiques professionnelles, et les employeurs. Le foodtruck de l’Agapei et de l’APAJH 81 ne change pas seulement les repas. Il transforme les représentations, les postures, et surtout, il redonne aux travailleurs en situation de handicap une place visible, active et pleinement reconnue dans la sphère professionnelle.

* Marie Mercat-Bruns, « Droit de la non-discrimination : de l’égalité à l’inclusion », Droit & Société.